Les fausses promesses de l’hybride rechargeable
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Les fausses promesses de l’hybride rechargeable
Deux études ont confirmé que ces modèles mi-thermiques mi-électriques consommaient bien plus qu’escompté. En cause, le mauvais usage de certains conducteurs.
Par Jean-Michel Normand Publié le 13 octobre 2020 à 01h05 - Mis à jour le 13 octobre 2020 à 14h51
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Alors que leurs ventes enregistrent un bond sans précédent, les hybrides rechargeables voient se lever un vent de contestation. Les vertus qu’on leur prête tiendraient du mirage, voire de « l’arnaque », comme l’affirme l’ONG britannique Transport & Environment. Sur le papier, pourtant, ces modèles proposent le meilleur des deux mondes. Une batterie pour parcourir une quarantaine de kilomètres sans consommer une goutte de carburant, un moteur thermique pour les longues distances et, au final, un bilan carbone flatteur.
Selon les données officielles, un hybride rechargeable rejette entre 30 et 50 g de CO2 au kilomètre. C’est, grosso modo, deux fois moins qu’un hybride classique (non rechargeable) et trois fois moins qu’un modèle thermique conventionnel. Ce qui lui vaut l’attribution d’un bonus de 2 000 euros à l’achat (à condition que le prix reste inférieur à 50 000 euros) et de confortables allégements de taxes en tant que véhicule de société.
Connus sous l’acronyme de PHEV (pour « plug-in hybrid electric vehicle »), ces hybrides que l’on peut recharger sur une borne se sont rendus indispensables. Ils contribuent efficacement à abaisser la moyenne des émissions de CO2 des constructeurs qui, à compter de 2021, devra être inférieure à 95 g au kilomètre. Un PHEV coûte cher (compter environ 5 000 euros supplémentaires) et doit transporter quelque 300 kg de batteries mais les nouveautés se bousculent et les ventes décollent. En tout, 230 000 unités en Europe sur les sept premiers mois de l’année, en progression de 145 % en un an, et sans doute plus de 500 000 en 2020.
L’hybride rechargeable Mercedes CLA 250 e Shooting Brake. MERCEDES BENZ AG - GLOBAL COMMUN / DAIMIER AG
En pratique, ce genre de modèle se destine à ceux qui parcourent de courtes distances au quotidien et réalisent de plus longs trajets le week-end. Gros rouleurs et conducteurs occasionnels s’abstenir.
Publiées simultanément fin septembre, deux études risquent de faire pâlir l’étoile de l’hybride rechargeable. Selon Transport & Environment (T&E), les PHEV émettent en réalité 117 grammes de CO2 au kilomètre, soit 2,5 fois plus que ce qui est annoncé par les données officielles. Le Fraunhofer Institute for Systems and Innovation Research (ISI) de Karlsruhe et le Council of Clean Transportation (ICCT) enfoncent le clou.
Après avoir compilé les données recueillies sur 104 709 véhicules, les deux organismes estiment que le niveau de consommation réel peut être jusqu’à quatre fois supérieur aux valeurs contenues dans les certificats d’homologation qui font miroiter un appétit d’oiseau, souvent inférieur à 2 l aux 100 km. En réduisant artificiellement la consommation moyenne, les hybrides rechargeables permettraient surtout aux constructeurs de commercialiser de gros SUV à bon compte. Il y aurait donc tromperie sur la marchandise.
La batterie devient poids mort
Transport & Environment assure que, lorsqu’un hybride rechargeable roule en mode tout-électrique, il n’est pas rare que le moteur thermique se déclenche de manière intempestive.
« Il apparaît (…) presque impossible de rouler en mode tout-électrique même pour de courtes distances », conclut même T&E. Une affirmation exagérée. Pour réveiller le moteur thermique d’un hybride rechargeable, il faut écraser la pédale d’accélérateur. En gardant le pied léger, on peut rouler sans difficulté de 30 à 50 km en mode électrique.
Lorsqu’il s’agit d’un véhicule de fonction, un PHEV n’effectue que 20 % de ses trajets en mode tout-électrique contre 37 % en moyenne.
Plus convaincante apparaît la fâcheuse tendance qu’ont certains utilisateurs à ne recharger qu’occasionnellement, voire jamais, leur véhicule, transformant les batteries en poids mort. Rien de pire pour doper la consommation. Selon les relevés, il apparaît que, lorsqu’il s’agit d’un véhicule de fonction, un PHEV n’effectue que 20 % de ses trajets en mode tout-électrique contre 37 % en moyenne. Conclusion : nombre de conducteurs, en particulier ceux dont les dépenses de carburant sont prises en charge, font de ces voitures un usage totalement contre-productif. Un PHEV permet certes de réduire (au prix fort) les émissions de CO2 si celui ou celle qui tient le volant joue le jeu de la recharge et adopte une conduite sans agressivité, surtout en mode tout-électrique.
Ces observations relancent les critiques récurrentes que suscitent les conditions d’homologation des hybrides rechargeables. Celles-ci présupposent que l’utilisateur branche son véhicule presque à chaque arrêt, ce qui relève de la pensée magique. Un tel décalage entre données officielles et réalité des usages a déjà valu quelques revers aux hybrides rechargeables, privés de subventions aux Pays-Bas depuis 2016 et au Royaume-Uni depuis 2018. En France, où PSA et Renault viennent de commercialiser ce genre de véhicule, la prime a été rétablie en juin dernier mais elle sera réduite de moitié dès 2021.
« L’hybride rechargeable n’est ni un effet d’aubaine ni un feu de paille. Il ne se limite pas aux grosses voitures ; nous en proposons aussi sur nos modèles compacts », plaide Frédéric Grandvoinnet, directeur national des ventes chez Mercedes France, dont la gamme compte désormais plus de vingt modèles PHEV. « Cette technologie à part entière qui peut permettre de rouler toute la semaine en mode zéro émission représente aussi un moyen de faire découvrir l’électrique aux clients encore réticents et de contourner l’insuffisance notoire du réseau de bornes de recharge », assure-t-il.
Certains experts se demandent si l’heure de gloire de ces modèles conçus pour faciliter le passage du tout-thermique au tout-électrique ne sera pas plus courte que prévu. Cités par Automotive News, les consultants de LMC prévoient que la croissance des ventes d’hybrides rechargeables en Europe commencera à faiblir dès 2022. Contrairement aux modèles 100 % électriques, dont les immatriculations devraient tripler d’ici à deux ans pour atteindre 1,7 million d’unités.
Jean-Michel Normand
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